"Le désert, un miroir utile pour la nature humaine"
-Picture by François Schneider-
"Tout en marchant, je lui demandai ce que signifiait pour lui le désert, s’il n’avait jamais souhaité vivre ailleurs. Il ne répondit pas immédiatement puis, après un moment, il me confie l’avoir quitté plusieurs fois pour aller dans des villes caravanières comme Agadès ; mais le bruit et l’agitation lui étaient désagréables. Il prit donc me dit-il, toujours plaisir à revenir. IL reconnaissait par contre l’envie d’avoir un médecin à proximité quand ses enfants étaient malades.
Il m'interrogea alors sur les villes européennes; il voulait savoir si c'était vrai que la voiture était maintenant à portée de tous et pourquoi j'étais venu dans le désert.
Il m'était difficile de lui répondre clairement. Pour moi, en effet l'intérêt du Sahara tient au contraste qui existe entre la vie dans le désert et celle que nous menons dans les grandes villes industrialisées. Sans cet élément de comparaison, il ne pouvait pas me comprendre. Je lui expliquai qu'à mon avis, le Sahara était l'un des derniers endroits dans le monde où l'influence de l'homme ne fût pas importune et que c'était une leçon importante non seulement pour l'écologie, mais aussi de psychologie pour des êtres ne vivant plus en communauté avec la nature.
Tout cela n'avait guère de sens pour lui et mon esprit s'égara au milieu des dunes façonnées par le vent. Les forces qui ont formé le désert sont manifestes ici et se répètent, à une échelle plus réduite, chaque fois que coule un oued. Avant, je n'avais jamais compris qu'un paysage se comportait un peu comme un organisme. Il est possible de se représenter le temps géologique par la lenteur de l'évolution du Sahara. De même, quand on avance dehors nuit après nuit, observant dans le ciel le cheminement lent et prévisible des étoiles, l'espace devient un peu moins mystérieux.
Lorsqu'on ressent à ce point le temps et l'espace, il est difficile de prendre trop au sérieux les prétentions les plus extrêmes de la race humaine. On n'est pas plus gros que des mouches sur une place d'armes, dans le Tanezrouft. L'homme dans le désert, est plus que partout ailleurs au même niveau que l'animal, il fait partie du même contexte écologique, il doit faire face aux mêmes incertitudes et aux mêmes limites.
Une graine d'herbe qui attend pendant 10 ans dans le lit sablonneux d'un oued, puis germe, grandit et fleurit en quelques jours quand il pleut, nous donne une leçon admirable. On apprend ici que toute forme de vie, pas seulement humaine, est précieuse. Cette leçon d'humilité devrait réduire l'arrogance de notre société vouée à la technologie".
-François Schneider-